Lorsque la médecine du travail ne peut pas proposer une date suffisamment tôt pour la visite d’embauche de l’apprenti, l’employeur peut aiguiller l’apprenti vers la médecine de ville. Une instruction publiée jeudi apporte des précisions pratiques à destination des employeurs.
La loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 propose aux entreprises une expérimentation visant à pallier la pénurie de médecins du travail, au moins partiellement. Les apprentis ayant signé leur contrat d’apprentissage entre le 30 avril 2019 et le 31 octobre 2021 peuvent être aiguillés vers un médecin de ville afin d’effectuer leur visite d’information et de prévention (VIP). Cette expérimentation vise les cas où aucun professionnel de santé au travail habilité à effectuer cette visite n’est disponible (médecin du travail, collaborateur médecin, interne en médecine du travail ou infirmier).
Remarque : Une évaluation de cette phase d’expérimentation sera réalisée fin 2021. Les organismes chargés de la santé au travail dans chaque région rendront compte des effets de cette mesure sur la prévention des risques pour les apprentis.
C’est un décret du 30 décembre 2018 qui a précisé les modalités de cette procédure. Des éléments pratiques viennent d’être apportés par une instruction de la DGT du 31 octobre 2019. Si ce document présente des éléments qui assurent la coordination entre médecine du travail et médecine de ville, elle comporte également bon nombre de précisions utiles aux employeurs qui utiliseraient cette expérimentation.
Remarque : Attention, cette procédure ne concerne que la visite médicale réalisée à l’occasion de l’embauche de l’apprenti. Les autres visites médicales que l’apprenti aura à passer – notamment la visite médicale de reprise suite à un arrêt du travail – seront menées par un membre de l’équipe de santé au travail.
Apprentis concernés
L’instruction souligne que les apprentis affectés à des travaux dangereux ne sont pas concernés par l’expérimentation. Sont ainsi exclus les apprentis qui occupent un poste dit « à risque » (au sens de l’article L. 4624-2 du code du travail) ou bien qui effectuent des travaux réglementés tels que ceux pouvant porter atteinte à leur intégrité physique ou morale, ceux impliquant des activités en hauteur ou en milieu confiné (liste complète fixée aux articles D. 4153-15 et suivants du code du travail).
Au moment où l’employeur sollicite la visite d’information et de prévention, le service de santé au travail doit vérifier si l’apprenti entre dans le champ de l’expérimentation. S’il constate que l’apprenti relève d’un suivi individuel renforcé (spécifique aux salariés affectés à des postes à risque), il organise un examen médical d’aptitude avec le médecin du travail. L’instruction précise qu’un examen d’aptitude est également requis si l’apprenti est amené à occuper plusieurs postes de travail et que l’un d’eux relève d’un suivi individuel renforcé.
Médecins de ville habilités à assurer la visite d’embauche
Quant aux médecins de ville concernés, l’instruction précise qu’il s’agit des médecins « exerçant en cabinet médical ou en centre médical de santé, qu’ils soient généralistes ou spécialistes ». Si le service de santé au travail dont dépend l’entreprise a conclu une convention avec certains médecins de ville, l’employeur doit s’adresser en priorité à l’un de ces médecins. S’il n’existe pas de convention ou bien si aucun des médecins n’est disponible, l’employeur peut s’adresser au médecin de son choix. L’apprenti peut même, s’il donne son accord, effectuer sa visite auprès de son propre médecin traitant (pour les apprentis de moins de 18 ans, l’accord des représentants légaux est également requis).
Procédure à suivre par l’employeur
Au plus tard à la date d’embauche de l’apprenti, l’employeur doit saisir le service de santé au travail dont il dépend afin d’organiser la visite d’information et de prévention. Cette dernière doit avoir lieu dans un certain délai, variant selon que l’apprenti est majeur ou mineur. Un apprenti majeur doit bénéficier de la visite dans les deux mois après son embauche. L’apprenti mineur doit en bénéficier avant d’être affecté à son poste de travail.
Une fois saisi, le service de santé au travail dispose d’un délai de réponse de huit jours. Plusieurs cas de figure sont à envisager :
- si le service de santé au travail répond qu’il est en mesure de réaliser la visite d’information et de prévention de l’apprenti dans le délai requis (deux mois, ou avant la date d’affectation prévue), il fixe un rendez-vous ;
- si le service de santé au travail répond qu’il ne peut pas organiser de visite avant la date d’affectation et qu’il s’agit d’un apprenti mineur, l’employeur a le choix. Soit il prend l’initiative de faire appel à un médecin de ville pour réaliser la visite d’information, soit il choisit de faire effectuer la visite par son service de santé au travail. Dans cette dernière hypothèse, il devra différer l’affectation au poste de l’apprenti à une date postérieure à celle fixée par le service de santé au travail pour la réalisation de la visite d’information et de prévention ;
- si le service de santé au travail répond qu’il ne peut pas organiser de visite dans le délai de deux mois et qu’il s’agit d’un apprenti majeur, l’employeur prend l’initiative d’organiser cette visite auprès d’un médecin de ville. Le service de santé au travail remet alors à l’employeur la liste du/des médecin(s) avec lesquels une convention a été conclue ;
- si le service de santé au travail ne répond pas sous huit jours, l’employeur peut le relancer ou prendre l’initiative, après en avoir informé le service de santé au travail, d’organiser la visite d’information et de prévention auprès d’un médecin de ville pour sa réalisation dans les délais réglementaires.
Les documents à fournir au médecin de ville
Lorsque la visite est prévue avec un médecin de ville, c’est à l’employeur de s’assurer, en amont, que cette visite aura lieu dans de bonnes conditions. Il doit ainsi transmettre au service de santé au travail les coordonnées du médecin de ville choisi pour la visite. Il doit aussi fournir un certain nombre d’informations au médecin de ville avant cette visite :
- la fiche de poste de l’apprenti ou tout autre document précisant les tâches confiées à l’apprenti et les conditions dans lesquelles elles sont effectuées ;
- le document unique d’évaluation des risques et les mesures de prévention mises en œuvre ;
- le protocole établi spécifiquement par le service de santé au travail dont dépend l’employeur de l’apprenti (document qui, établi par le service de santé au travail, définit les modalités de la réalisation de la visite d’information et de prévention) ;
- les coordonnées du service de santé au travail dont il dépend, précisant le nom du médecin du travail ;
- le modèle d’attestation à compléter par le médecin de ville suite à la visite.
L’attestation de suivi que doit remettre le médecin de ville à l’apprenti à la fin de la visite doit être établie selon le modèle fixé par un arrêté du 24 avril 2019. Une copie de l’attestation est ensuite envoyée à l’employeur et au service de santé au travail sous huit jours.
L’instruction fournit un modèle de document d’information à remettre à l’apprenti concernant le déroulement de la visite d’information et de prévention. Ce document précise notamment que le coût de la visite ne doit en aucun cas être porté à sa charge ni à celle de ses représentant légaux (aucune somme ne doit en outre être avancée par l’apprenti).
Le paiement du médecin
Le coût de la visite, rappelle l’instruction, est fixé par le décret du 30 décembre 2018 à une fois et demi le total du tarif conventionnel de la consultation affectée de sa majoration. Soit, au 1er mai 2019, un montant de 37,50 euros.
Le médecin adresse la facture de ses honoraires systématiquement au service de santé au travail dont dépend l’entreprise. Mais qui règle la facture ? Selon l’instruction, l’employeur qui dispose d’un service de santé au travail autonome supporte le coût de la visite. En revanche, lorsqu’il a adhéré à un service de santé interentreprises, c’est ce dernier qui assure le paiement des honoraires du médecin.
Inst. n° DGT/CT1/2019/226 du 21 octobre 2019