Dans un arrêt du 15 mai 2019, la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur les modalités de calcul de l’indemnité pour violation du statut protecteur, à laquelle peut prétendre le représentant de section syndicale licencié sans autorisation administrative et qui ne demande pas sa réintégration. Elle transpose le plafond de 30 mois de salaire, déjà applicable aux représentants élus du personnel.

Tout licenciement d’un salarié protégé prononcé sans autorisation de l’inspecteur du travail ouvre droit, au profit du salarié qui ne demande pas sa réintégration, à une indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur. Définie par la jurisprudence, celle-ci est égale aux salaires que le salarié protégé aurait dû percevoir depuis son éviction jusqu’à la fin de la période de protection en cours, c’est-à-dire jusqu’au terme du mandat restant à courir, augmenté de l’éventuelle période de protection complémentaire prévue par la loi (v. Cass. soc., 25 novembre 1997, nº 94-43.651 PB).

Il existe toutefois une limite, fixée à 30 mois de salaire, applicable aux représentants élus du personnel et que la jurisprudence a, par souci d’harmonisation, étendu à d’autres types de mandats (conseiller prud’homal, conseiller du salarié, etc.). Dans son arrêt du 15 mai 2019, la Cour de cassation transpose, pour la première fois, cette règle de plafonnement au représentant de section syndicale (RSS).

Salaires perdus entre la date d’éviction et la fin de la période protégée

Dans cette affaire, le salarié avait été désigné RSS le 22 août 2012. Ce mandat confère à son titulaire une protection identique à celle du délégué syndical (C. trav., art. L. 2142-1-2). Le RSS est donc protégé pendant toute la durée d’exercice de son mandat, ainsi que pendant 12 mois après la cessation de celui-ci si les fonctions ont été exercées pendant au moins un an (C. trav., art. L. 2411-3).

Pourtant, le 8 novembre 2012, le salarié a été licencié pour faute grave sans qu’aucune demande d’autorisation n’ait été présentée à l’inspecteur du travail. Le licenciement était donc nul, ce qui ouvrait droit à une indemnité au titre de la violation du statut protecteur.

Pour la Cour d’appel de Paris, cette indemnité, pour un salarié ne demandant pas sa réintégration, est équivalente au montant des salaires qu’il aurait dû percevoir entre la date de son éviction et la fin de sa période de protection. Le mandat de RSS étant par principe valable jusqu’aux premières élections professionnelles qui suivent sa désignation (C. trav., art. L. 2142-1-1, al. 3), lesquelles avaient eu lieu en novembre 2015, la période de calcul de l’indemnité s’étendait donc du mois de novembre 2012 (date du licenciement) au mois de novembre 2015 (date de fin du mandat), soit un total de 36 mois de salaire. En outre, il n’y avait pas lieu de tenir compte de la période de protection complémentaire de 12 mois puisque les fonctions n’avaient pas été exercées pendant au moins un an.

La Cour de cassation a censuré ce calcul, faute de prise en compte de la règle de plafonnement.

Plafonnement à 30 mois

L’arrêt du 15 mai pose pour principe que « le représentant de section syndicale qui ne demande pas la poursuite du contrat de travail illégalement rompu a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection, dans la limite de trente mois, durée minimale légale du mandat des représentants élus du personnel augmentée de six mois ».

La Haute juridiction applique ainsi au RSS la limite de 30 mois de salaire déjà applicable aux représentants élus du personnel (v. Cass. soc., 15 avril 2015, nº 13-24.182, nº 13-27.211 PBR). Ce plafond de 30 mois de salaire s’applique également, dans les mêmes termes, au conseiller prud’homal (Cass. soc., 3 février 2016, nº 14-17.000 PB), au conseiller du salarié (Cass. soc., 30 juin 2016, nº 15-12.982 PB), au médecin du travail (Cass. avis, 15 décembre 2014, nº 15013), au titulaire d’un mandat d’administrateur de mutuelle (Cass. soc., 1er juin 2010, nº 09-41.507 PB), ou encore aux administrateurs salariés d’un organisme du régime général de la Sécurité sociale (Cass. soc., 22 juin 2004, nº 01-41.780 PB).

Transposition au mandat de délégué syndical ?

Dans la mesure où la protection du RSS est alignée sur celle du délégué syndical, on peut s’interroger sur l’application de cette même jurisprudence au licenciement sans autorisation d’un délégué syndical.

Statuant avant l’intervention de la loi du 20 août 2008, donc à une époque où le mandat de délégué syndical était à durée indéterminée, la Cour de cassation a jugé que l’indemnité réparant la violation du statut protecteur devait correspondre à la période de protection prévue par l’article L. 2411-3 (alinéa 2) du Code du travail, et était donc égale à 12 mois de salaire à compter de son éviction de l’entreprise, peu important l’ancienneté du mandat (Cass. soc., 1er octobre 2003, nº 01-41.418 D). Dans la mesure où la durée du mandat du délégué syndical prend désormais fin à la date du premier tour des élections suivantes (C. trav., art. L. 2143-11), rien ne semble empêcher de lui appliquer également la solution dégagée par l’arrêt du 15 mai 2019. Ce qui reviendrait à prendre en compte, comme période servant de base de calcul à l’indemnité pour violation du statut protecteur, la période courant entre la date d’éviction et la date d’expiration du mandat (date des premières élections suivantes), dans la limite de 30 mois. Reste toutefois à la Cour de cassation à le confirmer dans un prochain arrêt.

Cass. soc., 15 mai 2019, nº 18-11.036 F-PB