S’il est maintenant bien connu de tous les employeurs que la motivation de la lettre de licenciement est essentielle, l’importance de la qualification du licenciement n’est pas toujours parfaitement perçue. Un récent arrêt rendu à l’occasion d’un licenciement intervenu pendant l’absence du salarié liée à un accident du travail vient d’attirer l’attention sur ce point.
Protection des victimes d’AT/MP pendant la suspension du contrat
Les salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle bénéficient d’une protection contre le licenciement durant la période de suspension du contrat de travail consécutive à l’accident ou à la maladie.
L’article L. 1226-9 du Code du travail pose le principe de cette protection et son exception en disposant qu’« Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie. » L’article L. 1226-13 précise que toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de cette interdiction est nulle.
La Cour de cassation rappelle régulièrement que cette protection s’applique dès lors que l’employeur a connaissance de l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie au jour de la notification du licenciement, c’est-à-dire au jour de l’envoi de la lettre (Cass. soc., 22 février 2006, n° 04-44.957 ; Cass. soc., 17 mai 2016, n° 14-23.702).
Exception en cas de faute grave : comment rédiger la lettre de licenciement ?
L’interdiction de licencier ne s’applique pas en cas de faute grave, étant rappelé que la faute grave est définie comme résultant d’un fait, ou d’un ensemble de faits, imputable au salarié, qui constitue la violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise et qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise (Cass. soc., 27 septembre 2007, n° 06-43.867).
Encore faut-il que l’employeur invoque cette faute grave dans la lettre de licenciement. C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation dans un arrêt du 20 novembre 2019 (n° 18-16.715).
Les circonstances de cette affaire étaient particulièrement simples. Un salarié se voit licencié pour absence injustifiée le 3 septembre 2014, faute de justifier de son absence au terme d’un arrêt maladie ayant expiré le 5 août 2014.
La lettre de rupture répond à l’exigence de motivation en exposant les faits ayant conduit à la décision de licenciement prise par l’employeur qui écrit : « Malgré nos précédents courriers vous êtes une nouvelle fois en absence injustifiée ce jour car votre dernier arrêt de travail s’arrêtait au 5 août 2014. Votre attitude est négligente et préjudiciable car cela fait plusieurs fois que vous ne vous présentez pas au travail sans motif et sans justificatif. Ceci est inadmissible et porte atteinte au bon fonctionnement de l’entreprise. Etant obligé de vous remplacer, nous vous signifions votre licenciement à réception de cette lettre ».
Or, motiver n’est pas qualifier et la lettre ne faisait pas état d’une faute grave.
La Cour d’appel n’y a pas vu d’obstacle et, interprétant les termes de la lettre, a admis le bien fondé du licenciement en considérant que l’attitude du salarié, dont l’attention sur ce point avait été attirée à plusieurs reprises, constituait un acte d’insubordination préjudiciable à l’entreprise, ce qui permettait de retenir une faute grave justifiant le licenciement durant la suspension du contrat.
Pour la Cour d’appel, les termes de la lettre de licenciement pouvaient être interprétés comme établissant la volonté de l’employeur de prononcer un licenciement pour faute grave, même si le terme n’y figurait pas.
La Cour de cassation refuse cette interprétation et casse l’arrêt en constatant « qu’il résultait de son énonciation des termes de la lettre de licenciement que l’employeur ne reprochait pas au salarié une faute grave », ce qui s’opposait donc à ce que la cour d’appel puisse admettre le bien fondé du licenciement.
Ce qui va sans dire sans toujours mieux en le disant… La Cour de cassation retient une lecture très formelle des textes. Ce faisant, elle confirme la force de la protection dont bénéficie un salarié dès qu’il a engagé une procédure de reconnaissance MP ou d’AT.
L’employeur qui licencie un salarié durant la période de protection doit donc prendre soin de mentionner expressément le terme de faute grave dans la lettre de licenciement. A défaut, quels que soient les griefs retenus contre le salarié, le licenciement sera nul.