La période d’essai ayant pour but de permettre l’appréciation des qualités du salarié, celle-ci est prolongée du temps d’absence du salarié, tel que celui résultant de la prise de jours de récupération du temps de travail. En l’absence de dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires, la durée de la prolongation de l’essai ne peut être limitée aux seuls jours ouvrables inclus dans la période ayant justifié cette prolongation.

Les faits

Une salariée a été engagée le 17 février 2014. Son contrat de travail prévoyait une période d’essai de 4 mois, renouvelable. La période d’essai initiale devait donc théoriquement expirer le 16 juin au soir.

Toutefois, durant la période initiale de l’essai, la salariée a pris 7 jours de récupération du temps de travail, ou jours de RTT, dont 5 jours continus du lundi au vendredi.

L’employeur lui a notifié le renouvellement de sa période d’essai le 24 juin 2014, puis a rompu sa période d’essai le 19 septembre 2014.

La salariée a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de la rupture de sa période d’essai en licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que le renouvellement de sa période d’essai n’était pas valable, puisqu’il était, selon elle, intervenu après la fin de la période initiale.

À l’appui de ses demandes, la salariée se fondait sur deux arguments principaux :

À titre principal, elle faisait valoir que les jours de RTT ne devaient pas être considérés comme des absences donnant lieu à prolongation de la période d’essai, dès lors qu’ils sont acquis dans le cadre d’un dispositif de réduction du temps de travail et ont pour unique vocation de compenser les heures de travail effectuées au-delà de la durée légale de 35 heures.

À titre subsidiaire, elle considérait que son employeur avait commis une erreur dans le décompte de ses jours d’absence et le calcul de la durée de prolongation de la période d’essai. La salariée faisait valoir que la période d’essai ne pouvait être prolongée que d’un nombre de jours équivalant au nombre de jours de RTT posés. Dès lors qu’elle n’avait posé que 7 jours de récupération, sa période d’essai ne pouvait être prolongée que de 7 jours et non de 9 jours comme le faisait valoir l’employeur.

De son côté, l’employeur avait considéré que, dès lors que la salariée avait pris 7 jours de récupération du temps de travail, dont 5 jours continus du lundi au vendredi, le samedi et le dimanche suivant durant lesquels la salariée n’avait pas effectivement travaillé devaient également être pris en compte, aboutissant à une prolongation de la période d’essai d’une durée totale de 9 jours.

La décision, son analyse et sa portée

La Cour de cassation rejette sans détour les arguments de la salariée. La Haute juridiction pose ainsi le principe que la prise de jours de RTT prolonge la durée de la période d’essai et confirme sa jurisprudence selon laquelle la durée de la prolongation de l’essai n’est pas limitée aux seuls jours ouvrables inclus dans la période ayant justifié cette prolongation.

Il en découle que le renouvellement de la période d’essai opéré par l’employeur est parfaitement valable puisqu’il est intervenu avant la fin de la période d’essai initiale du fait de cette prolongation.

  • Nature des absences prolongeant la période d’essai : la prise de jours de RTT prolonge la durée de la période d’essai

Comme le rappelle tout d’abord la Cour de cassation dans son attendu de principe, la période d’essai ayant pour but de permettre l’appréciation des qualités du salarié, celle-ci est prolongée du temps d’absence du salarié. En effet, le Code du travail prévoit que « la période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent » (C. trav., art. L. 1221-20).

L’employeur étant privé de la possibilité d’apprécier les compétences professionnelles du salarié durant son absence, il semble parfaitement logique que la durée de la période d’essai soit prolongée de la durée de l’absence.

En ce sens, la Cour de cassation avait d’ores et déjà jugé que donnent lieu à prolongation de la période d’essai les absences pour :

  • congés payés (Cass. soc., 27 nov. 1985, n° 82-42.581 ; Cass. soc., 31 janv. 2018, no 16-11.598) ;
  • congé sans solde (Cass. soc., 3 juin 1998, n° 96-40.344) ;
  • maladie (Cass. soc., 29 mai 1986, n° 83-46.133 ; Cass. soc., 18 janv. 1989, no 85-43.505) ;
  • accident du travail (Cass. soc., 12 janv. 1993, n° 88-44.572).

Pour la première fois, la Cour de cassation vient par cet arrêt ajouter les jours de RTT à la liste des absences prolongeant la durée de la période d’essai.

Jusqu’alors, seuls certains juges du fond, qui avaient vraisemblablement pressenti la tendance de la Haute juridiction, s’étaient prononcé en considérant que les jours de RTT devaient également prolonger la durée de la période d’essai (CA Versailles, 5e ch., sect. B, 26 févr. 2004, n° 02-03427).

“Reste à savoir si ce raisonnement sera étendu à tous les types d’absence”.

La confirmation de la Cour de cassation sur ce point était donc attendue et s’inscrit dans la droite ligne de sa jurisprudence. Reste à savoir si ce raisonnement sera étendu à tous les types d’absence.

À titre d’exemple, certaines cours d’appel ont pu juger a contrario que les jours de formation organisés par l’entreprise ne prolongent pas la période d’essai dès lors qu’ils ne constituent qu’une modalité particulière d’exécution du contrat de travail (CA Versailles, 5e ch., sect. B, 26 févr. 2004, n° 02-03427).

  • Modalités de décompte : la durée de la prolongation de l’essai n’est pas limitée aux seuls jours ouvrables

À titre subsidiaire, la salariée faisait valoir que l’employeur avait commis une erreur dans le décompte de la prolongation de sa période d’essai. La salariée avait pris 7 jours de RTT, le 2 mai 2014, du lundi 19 au vendredi 23 mai 2014 et le 30 mai 2014. Elle faisait donc valoir que l’employeur ne pouvait pas ajouter, à cette période de 7 jours posés, les samedi 24 et dimanche 25 mai 2014, pour prolonger la période d’essai d’une durée totale de 9 jours.

Sans surprise, la rejette cette argumentation et confirme sa jurisprudence antérieure selon laquelle la prolongation doit correspondre au nombre de jours calendaires compris dans la période d’absence et ne doit pas être limitée aux seuls jours ouvrables inclus dans la période ayant justifié cette prolongation (Cass. soc., 14 nov. 1990, n° 87-42.795). Elle approuve ainsi l’employeur d’avoir déduit non seulement les jours de RTT posés du lundi au vendredi, mais également le samedi et dimanche qui ont suivi.

Le principe n’est pas nouveau mais il est ici réaffirmé : la prolongation de la période d’essai se décompte en jours calendaires.

Si cette méthode semble simple, elle ne suffit pas en pratique à résoudre toutes les questions soulevées par le décompte des absences durant la période d’essai. À titre d’exemple, la question de savoir comment comptabiliser les demi-journées de congés ou de RTT durant la période d’essai se pose de manière récurrente au sein des entreprises qui l’autorisent.

En théorie, trois options pourraient être envisagées :

  • considérer qu’une demi-journée n’entraîne aucun report puisque cela ne constitue pas une journée entière et que le décompte de période d’essai se fait en jours calendaires ;
  • observer un décompte précis : considérer qu’une demi-journée de congés décale la période d’essai d’une demi-journée. Toutefois, dans l’hypothèse où un nombre impair de demi-journées serait posé, il serait contestable de considérer que la période d’essai expire à midi et non à la fin d’un jour calendaire ;
  • considérer qu’une demi-journée correspond à une journée entière, ce qui serait toutefois particulièrement défavorable au salarié.

Ainsi, les modalités de décompte des absences durant la période d’essai demeurent, dans certains cas, incertaines et constituent parfois un véritable casse-tête pour les services de ressources humaines. Les précisions de la Cour de cassation à ce sujet sont donc toujours très attendues.

Cass. soc., 11 sept. 2019, pourvoi n° 17-21.976, arrêt n° 1186 FP-P+B