Le droit d’agir en justice est un des principes généraux du droit, il est l’expression d’une liberté fondamentale à laquelle il ne saurait être dérogé.

Dans une affaire du 08/02/17, la Cour de cassation releva que les juges du fond avaient constaté qu’il était clairement reproché au salarié son action devant le Conseil de prud’hommes, aux fins de voir prononcée par le juge la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et elle jugea que « ce grief, s’il figure en tant que tel dans la lettre de licenciement, est constitutif d’une atteinte à une liberté fondamentale et entraîne à lui seul la nullité du licenciement », reprochant à la Cour d’appel d’avoir débouté le salarié de sa demande en nullité du licenciement, au motif d’après la Cour d’appel que, selon la lettre de licenciement, la décision de rupture du contrat de travail ne reposait pas sur le seul motif qu’il a pris l’initiative de saisir le conseil de prud’hommes.

(Cass. soc. 08/02/17 n°15-28085)

La Cour de cassation tient le même raisonnement, même si la demande du salarié devant les juridictions était non fondée : son licenciement est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite par le salarié.

(Cass. soc. 05/12/18 n°17-17687)

De même, pour la Cour de cassation, lorsque le salarié n’aura fait qu’envisager d’intenter une procédure contentieuse.

Dans un arrêt du 21 novembre 2018, la Cour de cassation confirma l’arrêt de la cour d’appel qui avait prononcé la nullité du licenciement, et ordonné la réintégration du salarié dans un emploi équivalent. Selon la Cour de cassation, « la lettre de licenciement reprochait notamment au salarié d’avoir menacé l’employeur d’entamer des procédures à l’encontre de la société, la cour d’appel en a exactement déduit que la seule référence dans la lettre de rupture à une procédure contentieuse envisagée par le salarié était constitutive d’une atteinte à la liberté fondamentale d’ester en justice entraînant à elle seule la nullité de la rupture ».

(Cass. soc. 21/11/18 n°17-11122)

En conclusion : lorsque la lettre de licenciement reproche au salarié d’avoir intenté (ou même envisagé) un recours devant une juridiction prud’homale, son licenciement doit être annulé comme portant atteinte à une liberté fondamentale d’agir en justice (art. 6§1 CESDH), les juges et conseillers devant conclure à la nullité du licenciement quand bien même la lettre de rupture ferait état d’autres motifs susceptibles de constituer une cause réelle et sérieuse.

Aucune différence n’est à faire entre le salarié qui a effectivement saisi la juridiction prud’homale avant d’être licencié, et celui qui n’aurait exprimé qu’une volonté de la saisir. Le grief contre l’intention est tout autant sanctionné que le grief contre l’action.