Dans un arrêt rendu en date du 20 Décembre 2019 (n°18/00930), la Cour d’Appel de Paris revient sur la notion de « réserves motivées formulées par l’employeur » lors de la déclaration d’un accident du travail.
Dans cette affaire, un salariée préparateur de colis avait déclaré un accident du travail en prétendant avoir été victime d’une douleur dans le dos alors qu’il poussait un colis sur la chaîne de tri, colis dont il n’est pas en mesure de communiquer le poids. Ce salarié avait ensuite continué à travailler pendant 1h30 à son poste de travail.
Le salarié a ensuite déclaré un lumbago aigu en poussant un colis.
Au moment de remplir la déclaration d’accident du travail, l’employeur inscrivait les réserves suivantes :
« Sans préjudice de l’exercice ultérieur de nos droits, nous formulons les plus expresses réserves quant au caractère professionnel de cet accident pour les raisons suivantes :
Le salarié nous a indiqué être victime d’une douleur dans le dos alors qu’il poussait un colis sur la chaîne de tri, il n’est pas en mesure de nous communiquer le poids.
Celui-ci a continué de travailler sans faire état de la moindre difficulté jusqu’à 10h30.
Nous contestons donc que la lésion invoquée par le salarié ait un quelconque lien avec le travail. »
Pour rappel et conformément aux dispositions de l’article R 441-11 du code de la sécurité sociale, tout au cours de la procédure d’instruction, l’employeur peut formuler des réserves sur le caractère professionnel de l’accident. Lorsque l’employeur formule des réserves, la caisse fera une enquête administrative et enverra, avant décision, un questionnaire simultanément à l’employeur et à la victime.
Dans cette affaire soumise à la Cour d’Appel de Paris, l’employeur soulevait qu’en dépit des réserves formulées au moment de l’établissement de la déclaration d’accident du travail, la CPAM a pris en charge l’accident au titre de la législation sur les accidents du travail sans avoir envoyé aucun questionnaire ni avoir procédé à aucune enquête contradictoire, en violation des articles R 441-11 et suivants du code de la sécurité sociale
Or, la Cour rappelle que selon la jurisprudence, les « réserves motivées » s’entendent de la contestation du caractère professionnel de l’accident pas l’employeur, et ne peuvent porter que sur les circonstances de lieu et de temps de celui-ci ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail.
Pour la Cour, dans la mesure où les réserves formulées par l’employeur ne visaient ni à remettre en cause les circonstances de lieu et de temps de l’accident, ni à évoquer une cause étrangère à l’activité professionnelle du salarié, ces réserves ne constituaient pas des « réserves motivées » au sens de la législation de sécurité sociale et dispensaient donc la CPAM de suivre la procédure prévue aux articles R 441-11 et suivants du code de la sécurité sociale.
REMARQUE : cette jurisprudence met en lumière la nécessité pour l’employeur qui souhaite émettre des « réserves motivées » au moment de la déclaration d’accident du travail, de porter une attention toute particulière quant à la rédaction de ces réserves en veillant soit à remettre en cause les circonstances de lieu et de temps de l’accident, soit à évoquer une cause étrangère à l’activité professionnelle du salarié,
Enfin, en tout état de cause, il est important de rappeler que la formulation de réserves par l’employeur ne constitue pas, à proprement parler un recours ; les réserves formulées par l’employeur ne peuvent remettre en cause la décision, une fois qu’elle a été prise par la caisse, de reconnaître le caractère professionnel d’un accident, et ce, même si la caisse a pris sa décision avant l’expiration du délai de 30 jours qui lui est imparti pour se prononcer sur le caractère professionnel de l’accident.
Enfin, l’absence de réserves ne prive pas l’employeur de la possibilité de contester le caractère professionnel de l’accident. Cette absence ne vaut pas reconnaissance tacite par l’employeur du caractère professionnel de l’accident.