La conclusion de plusieurs CDD successifs sur un même poste de travail est possible, à condition de respecter l’écoulement d’un délai dit de carence (art. L. 1244-3 C. trav.). Cette limite temporelle est cependant exclue lorsque les CDD répondent à différents cas de recours dont la liste est dressée par l’article L 1244-4 du Code du travail : remplacement d’un salarié absent, exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité, etc. C’est sur l’interprétation de ces exceptions que la Cour de cassation a eu l’occasion de revenir au cours de la période étudiée (Cass. soc. 10 octobre 2018, n° 17-18294, FS-P+B).

En l’espèce, un salarié a conclu un premier CDD pour accroissement temporaire d’activité entre le 12 juillet et le 23 décembre 2010. Douze jours après l’échéance de ce contrat, il s’est vu proposer un second CDD, cette fois pour remplacement d’un salarié absent. Considérant que l’employeur n’avait pas respecté le délai de carence entre les deux CDD, le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la requalification du second contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. Pour le débouter de sa demande, la cour d’appel a relevé que le second contrat répondait bien à l’un des cas de recours faisant exception au respect d’un délai de carence : le remplacement d’un salarié absent. Dans son pourvoi, le salarié prétendait qu’il fallait prendre en compte le contrat initial, lequel n’entrait pas dans la liste des exceptions, puisqu’il avait été conclu pour accroissement temporaire d’activité.

La Cour de cassation donne finalement raison au salarié. Elle censure la cour d’appel au visa des articles L. 1244-3 et L. 1244-4, ensemble l’article L. 1245-1 du même code, dans leur rédaction applicable à la cause. La cassation repose sur un principe acquis depuis la fin des années 1980 (Cass. soc. 16 juillet 1987, n° 84-45111, FS-P+B), et dont la formulation la plus récente remonte à un arrêt du 30 septembre 2014 (n° 13-18162, FS-P+B) : « une succession de contrats de travail à durée déterminée, sans délai de carence, n’est licite, pour un même salarié et un même poste, que si chacun des contrats a été conclu pour l’un des motifs prévus limitativement par l’article L. 1244-4 du code du travail ». En d’autres termes, il aurait fallu que la cour d’appel vérifiât que chacun des CDD ayant été conclu successivement sur un même poste de travail relevait bien de l’un des cas de recours dérogeant au respect d’un délai de carence. Or, ce n’était pas le cas en l’espèce du premier contrat, lequel avait été conclu en raison d’un accroissement temporaire d’activité. Par conséquent, faute d’avoir respecté le délai de carence qui s’imposait, le salarié était fondé à demander la requalification de la relation à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Il est probable que les modifications apportées par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 n’aient aucune incidence sur cette solution. Rappelons que le nouvel article L. 1244-4 du Code du travail dispose qu’« une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir les cas dans lesquels le délai de carence prévu par l’article L. 1244-3 n’est pas applicable », la liste des cas de recours dressée par l’article L. 1244-1 n’étant que supplétive. Or, il est possible de soutenir que les partenaires sociaux ne sont habilités qu’à déterminer les exceptions au principe et non les conditions d’appréciation de ces exceptions. Ce qui devrait permettre à la jurisprudence de la Cour de cassation de perdurer sur ce point.