Malgré une apparente facilité de mise en place, un forfait jours engendre des contraintes dont l’irrespect peut être extrêmement onéreux pour l’employeur.
La durée du travail d’un salarié se calcule le plus fréquemment sur une base horaire hebdomadaire, moyennant une rémunération versée en fonction du nombre d’heures accomplies.
Néanmoins, la durée du travail de certains travailleurs, peut sous certaines conditions être forfaitisée en jours sur l’année. Dans une telle circonstance, le paiement des heures supplémentaires accomplies par ces salariés est exclu.
Les conditions de validité d’un forfait jour
L’autonomie :
Tout d’abord, un tel décompte n’est ouvert qu’aux salariés bénéficiant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps (article L. 3121-58 du code du travail).
L’accord collectif :
De plus, ces forfaits ne peuvent être mis en place que par accord collectif d’entreprise, d’établissement ou encore de branche (article L. 3121-63 du Code du travail).
Ils doivent obligatoirement prévoir de nombreuses clauses, au sein desquelles on compte notamment :
- Une clause établissant quelles catégories de salariés sont susceptibles de conclure une telle convention individuelle.
- Une clause déterminant le nombre de jours compris dans le forfait.
- Une clause faisant état des modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié.
Le suivi de l’employeur :
Non seulement l’employeur doit évaluer si la charge de travail de son salarié est compatible avec sa vie personnelle, mais il doit aussi assurer un suivi effectif du respect des durées raisonnables de travail, ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
Partant, il existe plusieurs décisions de la Cour de cassation concernant l’obligation pour l’employeur d’organiser un entretien avec le salarié portant sur la charge de travail de ce dernier, l’organisation de son travail dans l’entreprise et l’articulation entre sa vie professionnelle et personnelle.
La convention individuelle écrite et signée :
Les forfaits jours doivent impérativement être formalisés par une convention individuelle écrite et signée (article L. 3121-55 du Code du travail).
Conséquences en cas d’annulation
Si le forfait jours est annulé par les juges en raison du non-respect par les parties des conditions de validité de ce dernier, alors la durée du travail déjà effectuée par le salarié ne sera plus décomptée en jours mais en heures. Conséquemment, l’employeur aura donc l’obligation de payer au salarié les heures supplémentaires dont il pourra démontrer l’existence.
Condamnation importante d’un montant de 1,2 Millions d’euros en l’absence de convention individuelle de forfait passée par écrit entre les parties.
Dans une affaire toute récente, un employeur a été condamné à payer la somme de 1,2 Millions d’euros à son salarié au titre de rappel de salaires et notamment en paiement des heures supplémentaires accomplies (Cass. soc., 19 juin 2019, pourvoi n° 17-31.523).
En l’espèce, le salarié, engagé en tant que délégué commercial, demandait au Conseil de Prud’hommes compétent le paiement de diverses sommes telles que le rappel des heures supplémentaires qu’il avait accompli.
L’employeur, quant à lui, défendait l’idée selon laquelle ces sommes n’étaient pas dues du fait de la soumission de son salarié à une convention de forfait en jours.
En effet, selon cette partie, la convention de forfait jours était valablement conclue dès lors que le salarié accusait réception, par sa signature, de la remise de l’accord collectif prévoyant sa soumission à un tel forfait.
Néanmoins, la Cour de cassation faisant droit aux demandes du salarié, rappelle qu’une telle remise ne se substitue pas à l’obligation légale qu’ont les parties de passer par écrit une convention individuelle de forfait. Cet impératif protège le salarié qui doit consentir à un tel décompte de son temps de travail.
À ce sujet, la Cour de cassation multiplie donc les condamnations notamment lorsque l’employeur omet l’entretien annuel sur la charge de travail et l’articulation avec sa vie personnelle. Auparavant, elle avait rappelé que le simple fait de remettre au salarié des fiches de paie faisant mention du forfait jour ne suffisait pas à constituer l’écrit nécessaire pour qu’un tel forfait soit valide (Cass. soc., 4 nov. 2015, pourvoi n° 14-10.419, Bull. civ. V n° 839), mais également, que le renvoi général à l’accord collectif d’entreprise dans le contrat de travail du salarié soumis au forfait jour ne constituait pas l’écrit requis.
Eu égard à de telles condamnations, on ne peut donc qu’inciter à une grande vigilance lors de l’élaboration d’un forfait jour. Comme l’illustre cette décision, la mise en place d’un tel forfait en méconnaissance des règles légales très contraignantes peut être onéreuse. En effet, alors que le forfait jour apparaissait comme une facilité d’organisation notamment face aux contraintes imposées par l’application des 35 heures, il s’avère aujourd’hui coûteux s’il n’est appliqué avec une grande précision.