L’article L1224-1 du code du travail et le transfert automatique du contrat… sont des mots qui vont si bien ensemble, si bien ensemble… et pourtant.
Par un arrêt publié du 17 avril 2019, la Cour de cassation rappelle que « lorsque l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d’employeur, le salarié est en droit de s’y opposer (…) ».
Si le salarié ne peut pas refuser le transfert de plein droit de son contrat de travail, il peut refuser une modification d’un élément essentiel du contrat autre que le changement d’employeur.
Il est ainsi rappelé par les Hauts Magistrats que le transfert du contrat de travail, pour s’imposer au salarié, doit n’être accompagné d’aucune autre modification de ses éléments essentiels. Seul le transfert, à l’identique, du socle contractuel sera transmis de plein droit au nouvel employeur, sans que le salarié ne soit fondé à s’y opposer. Dans ces conditions, le refus du salarié de poursuivre ses fonctions auprès du nouvel employeur, sera constitutif d’une faute, susceptible de justifier un licenciement disciplinaire, donc pour motif personnel.
Mais dès lors qu’au changement d’employeur s’ajoute une autre modification du contrat de travail, tel un changement de lieu de travail hors du même secteur géographique, alors le salarié recouvre son droit de refuser la modification afférente au transfert auprès de son nouvel employeur.
Ce n’est pas tant là le transfert automatique du contrat au nouvel employeur qui peut faire l’objet d’un refus, que les modifications du socle contractuel qui s’y ajoutent.
Si le salarié refuse le transfert de plein droit, son licenciement sera personnel. Mais si le salarié refuse une modification de son contrat de travail, son licenciement, non lié à sa personne, sera économique.
Titulaire d’un droit de refus, quelle serait alors le motif du licenciement appliqué au salarié réfractaire ?
Pour la Cour de cassation « (…) la rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, proposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique ».
En l’espèce, les juges avaient constaté que la modification du contrat de travail des salariés s’inscrivait dans un processus économique et que le motif réel du licenciement résultait donc de la réorganisation de la société cessionnaire à la suite du rachat. D’ailleurs, la lettre de licenciement elle-même semblait revêtir une motivation économique. La Cour de cassation en concluait que « le licenciement avait la nature juridique d’un licenciement économique, ce dont il résultait qu’ayant été prononcé pour motif personnel, il était dépourvu de cause réelle et sérieuse ».
Quid d’une clause de mobilité utilisée comme levier de réorganisation ?
La Cour de cassation a évincé, sans répondre, un point important soulevé par l’employeur. Celui-ci prétendait que les contrats de travail des salariés comportaient une clause de mobilité en vertu de laquelle ils s’étaient engagés à accepter un changement de lieu de travail, si bien que leur refus d’accepter le transfert constituait une faute justifiant leur licenciement pour motif personnel.
Si la modification concerne le lieu de travail et si le salarié dispose d’une clause de mobilité valable, alors, par l’application de la clause, son refus devrait pouvoir, hors abus de l’employeur dans la mise en œuvre de ladite clause, être jugé fautif et justifier un licenciement pour motif personnel.
Pourtant, dans l’arrêt du 17 avril 2019, la Cour de cassation semble refuser l’application de la clause de mobilité géographique et la qualification du motif personnel au profit du motif économique. Toutefois, dans le cas d’espèce, la position des Hauts Magistrats pouvait s’expliquer, dès lors que :
- La lettre de licenciement justifiait d’une motivation économique au soutien de la modification du lieu de travail refusée par le salarié et ne mentionnait pas l’existence d’une clause de mobilité contractuelle rendant fautif et donc pour motif personnel le licenciement afférent au refus,
- La mutation était simplement proposée au salarié, qui disposait d’un délai de réflexion d’un mois afin de faire part de sa réponse (sic), ce qui évoque la procédure légale de la modification du contrat de travail pour motif économique. La mutation n’ayant pas été imposée au salarié sur le fondement de la clause de mobilité contractuelle, la Cour de cassation pouvait difficilement en l’état juger différemment.
Quoiqu’il en soit, cet arrêt, publié au bulletin, ne manque pas d’interpeler et incitera l’employeur à une vigilance certaine.