Nous débutons aujourd’hui une série de nombreux articles consacrés à la réforme du code du travail par ordonnances.

Nous commençons donc par une des réformes les plus médiatisées : la fixation d’un barème d’indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Rappel du régime actuel 

Selon la législation actuelle, les indemnités versées, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, varient selon la taille et l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.

Concrètement, nous avons la situation suivante :

Situations Conséquences
Le salarié a moins de 2 ans d’ancienneté et/ou se situe dans une entreprise de moins de 11 salariés.
  • Dans ce cas, les juges sont dans l’impossibilité de proposer la réintégration du salarié licencié dans l’entreprise (article L 1235-5 du code du travail) ;
  • Le salarié peut obtenir le paiement d’une indemnité dont le montant est fixé souverainement par le juge, il n’existe pas de valeur minimale ou maximale ;
  • En tout état de cause, le salarié ne peut prétendre au paiement d’une indemnité, dont la valeur minimale correspondrait à 6 mois de salaires (Cour de cassation du 26/09/2006, pourvoi 05-43841).
Le salarié justifie d’une ancienneté d’au moins 2 ans et l’entreprise compte 11 salariés et plus.
  • Dans ce cas, le Code du travail prévoit la possibilité pour le salarié de réintégrer l’entreprise qui vient de le licencier (article L 1235-3 du code du travail) ;
  • Cette réintégration est totalement facultative, laissant ainsi la possibilité pour l’employeur ou le salarié de la refuser (Cour de cassation du 14/04/2010 pourvoi 08-45247) ;
  • Lorsque la réintégration n’a pas lieu, le salarié peut prétendre alors au paiement d’une indemnité dont la valeur minimale est fixée à 6 mois de salaires (article L 1235-3 du code du travail).


Le nouveau régime selon le projet d’ordonnance 

Références 

  • Ordonnance n°3 « relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail » ;
  • Articles 3 et 43.

Entreprises de 11 salariés et plus 

Selon l’article du projet d’ordonnance, en cas de licenciement abusif, le juge pourrait accorder au salarié des dommages et intérêts, dont les valeurs devraient respecter des montants « planchers » et « plafonds », variables selon l’ancienneté du salarié comme l’indique le tableau suivant :

Barème indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Ancienneté du salarié dans l’entreprise
(en années complètes)

Indemnité minimale
(en mois de salaire brut)

Indemnité maximale
(en mois de salaire brut)

0

Sans objet 1

1

1 2

2

3 3
3 3

4

4 3

5

5

3 6

6

3 7

7

3

8

8 3

8

9 3

9

10

3 10

11

3

10,5

12 3

11

13

3 11,5

14

3 12
15 3

13

16 3

13,5

17

3 14

18

3

14,5

19 3

15

20

3 15,5

21

3 16
22 3

16,5

23 3

17

24

3 17,5

25

3 18

26

3

18,5

27 3

19

28 3

19,5

29

3 20
30 et au-delà 3

20

 

Entreprises de moins de 11 salariés 

De façon dérogatoire, un barème s’applique aux licenciements sans cause réelle et sérieuse dans une entreprise comptant un effectif inférieur à 11 salariés.

2 remarques sont à faire sur ce barème :

  1. Seule une valeur minimale (ou plancher) est déterminée, aucune valeur maximale (valeur plafond) n’est déterminée ;
  2. Le barème s’arrête à une ancienneté dans l’entreprise de 10 années complètes, il semblerait que le barème des entreprises de 11 salariés et plus s’appliquerait alors au-delà, mais une précision de l’administration sera attendue à ce sujet.

Barème indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Ancienneté du salarié dans l’entreprise
(en années complètes)

Indemnité minimale
(en mois de salaire brut)

0

Sans objet

1

0,5

2

0,5
3

1

4

1

5

1,5

6

1,5

7

2

8

2

9

2,5

10

2,5

 

Application des barèmes 

Les 2 barèmes s’imposeraient en cas de :

  • Licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
  • Résiliation judiciaire aux torts de l’employeur ;
  • Prise d’acte de rupture du contrat de travail pour des griefs fondés.

 

Non-application des barèmes 

Ces barèmes ne concerneraient pas :

  • Les indemnités versées dans le cas d’irrégularités en matière de licenciement économique ;
  • En cas de licenciement nul et d’absence de réintégration du salarié (l’indemnité minimale ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois).

 

Nota :

Les cas permettant de prononcer la nullité du licenciement sont notamment les suivants :

  • Violation d’une liberté fondamentale ;
  • Faits de harcèlement moral ou sexuel ;
  • Licenciement discriminatoire ou consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes ou de dénonciation de crimes et délits ;
  • Violation du statut protecteur au titre de l’exercice d’un mandat (salarié protégé) ;
  • Non-respect du régime de protection lié au congé maternité, accident du travail ou maladie professionnelle.

 

Modulation possible des dommages et intérêts 

Précision importante, le juge pourrait, pour déterminer la valeur des indemnités versées au salarié, tenir compte des indemnités de licenciement attribuées au salarié.

En d’autres termes, le juge serait en capacité de diminuer le montant de l’indemnité prud’homale si par cas le salarié avait perçu une indemnité de licenciement « élevée ».

 

Un projet d’ordonnance qui pourrait connaître des modifications 

Rappelons le calendrier concernant les 5 projets d’ordonnance, en vertu duquel des modifications pourraient être apportées au contenu que nous analysons aujourd’hui (sans compter la décision attendue du Conseil constitutionnel).

Dates Contenu
1re quinzaine de septembre Les projets d’ordonnance seront soumis à l’avis des instances consultatives (commission nationale de la négociation collective, Conseil d’orientation des conditions de travail, Conseil supérieur pour l’égalité professionnelle, conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, Caisses de sécurité sociale, Conseil national d’évaluation des normes, Conseil supérieur de la prud’homie).
22 septembre 2017 Adoption des projets d’ordonnance en conseil des ministres.

 

Références

  • Ordonnance n°3 « relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail », articles 3 et 43