La CEDH a donné en partie raison, ce 5 septembre, à un ingénieur roumain qui avait été licencié pour avoir utilisé sa messagerie professionnelle à des fins personnelles.

La Cour européenne des droits de l’homme a considéré, dans une décision rendue le 5 septembre, que le droit à la vie privée d’un employé licencié pour avoir utilisé sa messagerie professionnelle à des fins personnelles n’avait pas été respecté.

L’employeur surveillait les communications de l’entreprise, y compris leur contenu, et avait imprimé plusieurs courriels envoyés et reçus par son salarié pour prouver qu’il n’avait pas respecté le règlement intérieur de l’entreprise.

Ce dernier avait contesté son licenciement, mais les juridictions nationales roumaines l’avaient débouté, jugeant que la conduite de l’employeur avait été raisonnable, et que la surveillance des communications avait constitué le seul moyen d’établir qu’il y avait infraction disciplinaire.

 

La CEDH a confirmé cette approche en janvier 2016, validant la possibilité pour un employeur de surveiller l’usage de l’internet de la société dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

Mais si la surveillance des communications par l’employeur est possible en Europe, elle suppose pour être légale que les salariés soient informés de son existence. Or, ce salarié ne savait pas que le contenu de ses communications pouvait être enregistré, et son droit à la vie privée n’a donc pas été respecté, a tranché la CEDH.

« L’avertissement de l’employeur doit être donné avant que celui-ci ne commence son activité de surveillance, a fortiori lorsque la surveillance implique également l’accès au contenu des communications des employés, note la cour dans sa décision. A la lecture des pièces versées au dossier de l’affaire, la cour conclut que le salarié n’a pas été informé à l’avance de l’étendue et de la nature de la surveillance opérée par son employeur ni de la possibilité que celui-ci ait accès au contenu même de ses messages. »

De même, la CEDH estime que le fait que l’ensemble des communications soient enregistrées n’est pas en soi illégal, mais que cette pratique particulièrement invasive doit être au minimum signalée aux salariés : « L’étendue de la surveillance opérée et [le] degré d’intrusion dans la vie privée de ce salarié (…) n’a été examinée ni par l’une ni par l’autre des juridictions nationales, alors même que l’employeur a enregistré en temps réel toutes les communications pendant la période de surveillance et qu’il en a imprimé le contenu. »

Cette décision conforte la pratique française, qui impose une consultation et une information des salariés sur les dispositifs mis en place, les modalités du contrôle et la durée de conservation des données de connexion. Le gouvernement français avait d’ailleurs été autorisé à intervenir dans la procédure écrite en tant que « tiers intervenant » – tout comme la Confédération européenne des syndicats (CES). La décision était particulièrement attendue par les syndicats européens, les Etats membres du Conseil de l’Europe ayant des approches très différentes en matière de protection des salariés contre la surveillance. La CES estime par ailleurs que dans ce cas la proportionnalité de la sanction n’avait pas été respectée, et qu’un avertissement verbal aurait dû être privilégié en première mesure plutôt que le licenciement.