La loi Avenir professionnel a créé une nouvelle procédure permettant de contraindre l’employeur à rembourser les allocations-chômage versées à un salarié irrégulièrement licencié. Un décret d’application était nécessaire pour rendre ce nouveau dispositif opérationnel. C’est aujourd’hui chose faite avec un décret du 27 mars 2019, paru au Journal Officiel du 30.
Ø Le contexte de la réforme
L’employeur doit parfois rembourser à Pôle Emploi des indemnités de chômage. Dans certains cas de licenciement irrégulier, et notamment en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse, l’employeur peut se voir condamné à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à un ancien salarié (c. trav. art. L. 1235-4).
Le remboursement porte sur tout ou partie des indemnités de chômage versées du jour du licenciement jusqu’au jour du jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités.
Cette sanction n’est pas systématique, puisqu’elle ne s’applique pas si le salarié licencié avait moins de 2 ans d’ancienneté ou travaillait dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés (c. trav. art. L. 1235-5).
Nouvelle procédure à la disposition de Pôle emploi – Pour obtenir le remboursement, Pôle emploi peut (c. trav. art. L. 1235-4 modifié ; loi 2018-771 du 5 septembre 2018, art. 64, JO du 6) :
– mettre en demeure l’employeur de rembourser,
– puis, si cette démarche est inefficace, délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition de l’employeur devant le juge, a tous les effets d’un jugement et confère le bénéfice de l’hypothèque judiciaire.
Pôle Emploi peut utiliser cette nouvelle procédure pour faire appliquer les jugements des conseils de prud’hommes rendus à compter du 1er avril 2019. Mais il doit continuer à mettre en œuvre l’ancienne procédure pour faire appliquer les jugements des conseils de prud’hommes rendus avant cette date, ce qui suppose de saisir le tribunal d’instance (décret 2019-252 du 27 mars 2019, JO du 30).
Ø Conditions et délais applicables
Globalement les étapes de la nouvelle procédure sont les suivantes.
Pôle emploi est alerté par le greffe. Comme auparavant, Pôle Emploi est averti par le greffe du conseil de prud’hommes ou de la cour d’appel, en recevant la copie du jugement ou de l’arrêt ordonnant d’office le remboursement des allocations de chômage (c. trav. art. R. 1235-1 modifié).
Le greffe fait cet envoi une fois le délai d’appel expiré et en précisant si un appel a été fait ou non.
Pôle emploi met en demeure l’employeur. Lorsque ce jugement est exécutoire, Pôle Emploi peut mettre en demeure l’employeur de rembourser tout ou partie des allocations de chômage (c. trav. art. R. 2352 modifié).
La mise en demeure doit comporter toutes les mentions prévues par le code du travail (coordonnées du Pôle emploi, de l’employeur, etc.).
Pôle emploi délivre une contrainte si la mise en demeure est sans effet. Si l’employeur n’a pas payé les sommes réclamées dans le mois suivant la notification de la mise en demeure, le directeur général de Pôle emploi peut délivrer une contrainte.
Il la notifie par tout moyen donnant date certaine à sa réception ou la fait signifier par un huissier.
Cette notification doit contenir tous les éléments imposés par le code du travail (sommes réclamées, etc.), sinon elle est nulle et donc inefficace (c. trav. art. R. 1235-3 modifié).
L’employeur peut s’opposer à la contrainte. – L’employeur peut s’opposer à la contrainte dans les 15 jours suivants sa notification (c. trav. art. R. 1235-4 modifié).
Pour ce faire, il doit passer par les tribunaux d’instance (les nouveaux tribunaux judiciaires à partir de 2020) (c. org. jud., art. L. 121-1 modifié ; loi 2019-222 du 23 mars 2019, art. 95 et 109 XXIII, JO du 24).
Il fait une déclaration au greffe de la juridiction dans le ressort de laquelle il est domicilié (ou utilise tout moyen donnant date certaine à la réception de son opposition). Il doit motiver son opposition et y joindre une copie de la contrainte. Cette démarche suspend la mise en œuvre de la contrainte.
Le tribunal statue sur l’opposition. Le tribunal d’instance (tribunal judiciaire à partir de 2020) rend son jugement, lequel pourra faire l’objet d’un appel (c. trav. art. 1235-5 à R. 1235-8 modifiés).
À ce stade, une procédure particulière, dite de « rétractation », a été prévue si l’employeur considère qu’il a été condamné à rembourser les allocations-chômage hors des cas où cette mesure est prévue par le code du travail (c. trav. art. R. 1235-9 modifié). En substance, l’affaire retourne devant le conseil de prud’hommes ou la cour d’appel, lesquels pourront réformer le jugement sur ce point ou prononcer la liquidation des sommes dues par l’employeur à Pôle Emploi. Mais attention : cette procédure ne peut pas remettre en cause l’appréciation portée par le jugement sur le fond de l’affaire (ex. : nullité ou absence de cause réelle et sérieuse). En cas de demande dilatoire ou abusive, l’auteur peut être condamné à une amende civile allant de 15 € à 1 500 €.