La Cour de cassation rappelle que la production par l’employeur de témoignages de plusieurs victimes est suffisante pour prouver des faits de harcèlement sexuel (Cass. soc. 5 décembre 2018, n° 17-24794).

 

Ø Les faits de l’espèce

Un salarié qui exerçait les fonctions d’animateur formateur à l’école des ventes du groupe Renault, a été licencié pour faute grave en raison d’agissements de harcèlement sexuel.

Dans le cadre du litige prud’homal l’opposant à ce salarié, l’employeur avait produit 4 témoignages de stagiaires qui s’étaient plaintes du comportement de ce salarié, faisant état des faits cités dans la lettre de licenciement.

La première stagiaire indiquait que l’animateur formateur lui avait posé des questions sur sa vie privée lors de sa journée de coaching et avait pris des photographies d’elle sans son autorisation.

La deuxième stagiaire affirmait que l’animateur formateur lui faisait des remarques quotidiennes sur son aspect physique (« qu’est-ce que tu es belle ») et tenait parfois des propos plus crus et ambigus (« bon quand est ce qu’on couche ensemble ?). Elle évoquait également certains gestes déplacés (« il m’a pris la main et l’a embrassée ») ainsi que la prise de photographies à son insu.

La troisième relatait que l’animateur formateur lui avait « pris le bras à plusieurs reprises en chantant des chansons salasses », qu’il avait tenu devant le groupe des propos déplacés (« Mais c’est moi ton loulou, ça y est on couche ensemble une fois et tu m’oublies ») et intrusifs (« Fais attention aux garçons, lui ne lui parle pas, c’est une mauvaise fréquentation, tu es un agneau entouré de loups »),

La quatrième évoquait des faits de même nature et notamment des propos déplacés relatés par un autre stagiaire, ce dernier l’ayant prévenue que l’animateur formateur avait dit à son propos « qu’elle ne devrait pas mettre des « wonderbras », on ne voit que ça, ça ne se fait pas, elle met trop en avant sa poitrine ».

 

Ø La position des juges du fond

La Cour d’appel de Paris a considéré que si les faits ainsi relatés étaient de nature à caractériser un harcèlement sexuel, ils n’étaient pas suffisamment établis et pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail de l’animateur formateur aux motifs que :

– les déclarations des quatre jeunes femmes manquaient de spontanéité dans la mesure où, pour trois d’entre elles, elles avaient été recueillies directement en la forme d’attestations pouvant être produites en justice, après un simple entretien avec le supérieur hiérarchique du salarié, sans que soient rapportées les circonstances dans lesquelles cet entretien s’était déroulé et la teneur des propos qui avaient pu être tenus,

– que la société n’apportait aucun élément probant démontrant l’effectivité de l’enquête dont elle faisait état dans la lettre de licenciement et qu’à réception des témoignages, elle avait laissé l’animateur formateur poursuivre sa formation avec les quatre stagiaires.

 

Ø La position de la Cour de cassation

La Haute juridiction a cassé la décision de la Cour d’appel au motif qu’elle avait statué par des motifs inopérants, impropres à écarter la valeur probante des attestations produites dont elle constatait qu’elles étaient de nature à caractériser un harcèlement sexuel.

Cass. Soc. 5 déc. 2018, n° 17-24.794