La question du plafonnement et de la barémisation des indemnités prud’homales n’a cessé d’occuper le débat des réformes en droit social ces dernières années, dont la dernière incarnation instituée par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 constitue le point d’orgue. Se donnant pour ambition de « sécuriser » les relations de travail, le dispositif s’est aussi vu reprocher de brider la liberté d’appréciation du juge et d’interdire une indemnisation adéquate du préjudice subi par le salarié.

Dans l’espèce, un salarié totalisant trois années d’ancienneté dans son entreprise avait, en date du 12 février 2018, saisi le Conseil de prud’hommes de Troyes d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l’employeur destinée à produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il sollicita simultanément l’éviction du plafond d’indemnisation prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail. Un licenciement pour motif économique lui a par la suite été notifié le 28 février 2018, sa demande de précision concernant le motif économique du 12 mars étant restée sans réponse. Pour lui, l’employeur a fait preuve de déloyauté contractuelle avec une mise au placard progressive à la suite de la cession de son entreprise, il invoque divers retards de paiement de salaire et de primes de treizième mois.

Cherchant à s’affranchir du plafonnement indemnitaire prévu par la loi française, l’intéressé invoque un grief d’inconventionnalité, en ce que celui-ci violerait l’article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la Convention n° 158 de l’OIT, ainsi que le droit au procès équitable.

Aussi revendique-t-il le paiement d’une indemnité correspondant à neuf mois de salaire, là où l’application du code du travail ne lui aurait permis de prétendre qu’à une indemnité correspondant à quatre mois au plus à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les juges vont estimer que l’ensemble des faits (manquement dans le paiement des salaires, appauvrissement des missions confiées ainsi qu’une déloyauté contractuelle) justifie une résiliation judiciaire aux torts de l’employeur.

Ils vont par ailleurs reconnaître l’inconventionnalité du plafond fixé par l’article L. 1235-3 du code du travail et indemniser le salarié sans en tenir compte en fixant le montant de sa créance à titre de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à neuf mois de salaire.