Depuis 2002 (Cass., soc. 10 juillet 2002, FS-P+B, n° 00-45135, n° 00-45387 et n° 99-43334), la clause de non-concurrence n’est licite que si, entre autres conditions, elle donne lieu au versement d’une contrepartie financière.
La Cour de cassation fait preuve d’une certaine souplesse lorsque la clause de non-concurrence est encadrée par les stipulations d’une convention ou d’un accord collectif. Ainsi, même si le contrat individuel ne stipule pas de contrepartie financière, l’obligation de non-concurrence est néanmoins valable si la convention collective applicable en prévoit le principe et en fixe le montant.
Pour que ce « sauvetage » soit possible, encore faut-il toutefois que le contrat se réfère explicitement à la convention collective et que celle-ci préexiste à la date de conclusion du contrat individuel (Cass., soc. 28 septembre 2011, FS-P+B n° 09-68537).
C’est sur cette application subsidiaire et correctrice de la convention collective que porte un arrêt récent (Cass., soc. 18 janvier 2018, FS-P+B, n° 15-24002). En l’espèce, une salariée a quitté son entreprise dans le cadre d’une rupture conventionnelle. Outre un rappel de salaire lié à la partie variable de sa rémunération, elle demande à la juridiction prud’homale d’analyser la clause de respect de la clientèle figurant dans son contrat en une clause de non-concurrence, dans le but d’obtenir le paiement de la contrepartie financière prévue par la convention collective des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes.
La cour d’appel lui a uniquement donné raison sur le premier aspect de son argumentation. La clause dite de respect de la clientèle interdisait à la salariée, durant les 36 mois suivant la fin de son contrat, de s’intéresser sous quelle forme que ce soit aux clients de la société, la notion de client s’entendant de toute personne physique ou morale ayant eu recours aux services de la société ou des sociétés du groupe, au cours des deux années précédant son départ définitif et s’étendant aux filiales du client. Par son objet et son étendue, une telle clause s’analysait inévitablement en une clause de non-concurrence.
Pour autant, la cour d’appel ne parvint pas à la même conclusion que la salariée. Alors que celle-ci réclamait le montant de la contrepartie financière prévue par la convention collective, les juges du fond s’y opposèrent au motif que la convention collective ne visait que les hypothèses de démission et de licenciement et non, comme au cas présent, de rupture conventionnelle.
La Cour de cassation censure la décision au visa de la convention collective des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes, du principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle et de l’article L.1121-1 du code du travail.
Selon la Haute juridiction, « le montant de la contrepartie financière à une clause de non-concurrence ne pouvant être minoré en fonction des circonstances de la rupture, il en résulte que la contrepartie prévue par la convention collective en cas de licenciement était applicable en l’espèce ».
La solution repose sur le principe acquis de longue date selon lequel la contrepartie financière, dans son principe comme dans son montant, « ne peut être affectée par les circonstances de la rupture du contrat de travail » (Cass., soc., 24 sept. 2008, FS-P+B, n°07-40.098). En somme, il est impossible d’exclure le versement de la contrepartie financière, voire d’en minorer le montant en fonction du type de rupture : démission du salarié, licenciement pour faute grave, départ à la retraite, etc. Si une telle restriction est prévue, la clause de non concurrence n’est pas nulle, elle est seulement réputée non écrite en ses stipulations excluant ou minorant la contrepartie. Et il en est de même lorsque cette restriction émane d’une convention collective (ibid.).
Si la présente décision est originale, c’est parce que la Cour de cassation se fonde sur ce principe, non pour stigmatiser l’exclusion d’un mode de rupture comme c’était généralement le cas jusque-là, mais pour étendre le jeu de la contrepartie financière à une hypothèse non prévue : la conclusion d’une rupture conventionnelle. Cette réfaction s’explique aisément.
Nombre de contrats de travail et de conventions collectives ont été conclus avant la consécration législative de ce mode de rupture. Pour garantir l’efficacité de ces stipulations, il peut donc être nécessaire d’en combler les lacunes. À cet égard, on rappellera que la Cour de cassation a déjà été amenée à adapter le délai de renonciation à la clause de non-concurrence dans une hypothèse où le contrat de travail avait été conclu avant l’apparition de la rupture conventionnelle (Cass., soc. 29 janvier 2014, FS-P+B, n° 12-22116).