« Les expertises seront régulées, sans porter atteinte au droit à expertise ». Tels étaient les objectifs annoncés de l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 portant sur la mise en place du comité social et économique (CSE). Le CSE dispose en effet, à l’instar du comité d’entreprise (CE) et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qu’il a vocation à remplacer, d’un droit de recours à un expert. Au terme du périple législatif de l’ordonnance, achevé par l’adoption le 14 février 2018 de la loi de ratification des ordonnances Macron le droit à expertise a été rationalisé sans pour autant être profondément remanié.
Des cas de recours à l’expertise inchangés
Les cas de recours légaux à l’expertise sont peu ou prou les mêmes que ceux prévus pour le CE et le CHSCT. Ainsi, le CSE peut faire appel :
– à un expert-comptable dans le cadre des trois consultations récurrentes (sur les orientations stratégiques de l’entreprise, sur la situation économique et financière ainsi que sur sa politique sociale et les conditions de travail et l’emploi) et dans le cadre des opérations de concentration, de l’exercice du droit d’alerte économique, des projets de grands licenciements collectifs, des offres publiques d’acquisition ou de l’assistance des organisations syndicales pour préparer les négociations relatives à un accord de préservation ou de développement de l’emploi ou à un accord « plan sauvegarde de l’emploi » (PSE) ;
– à un expert habilité en cas d’introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, en cas de risque grave révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel constaté dans un établissement et, enfin, en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle.
Le CSE peut par ailleurs choisir tout expert en cas d’expertise dite « libre », c’est-à-dire lorsqu’elle est réalisée pour la préparation de ses travaux et rémunérée par ses soins.
Soulignons qu’il est désormais possible d’aménager conventionnellement les recours à l’expertise puisqu’un accord d’entreprise ou, à défaut, un accord entre l’employeur et le CSE peut déterminer à l’avance le nombre d’expertises dans le cadre des trois consultations récurrentes du CSE.
Le développement du cofinancement par le CSE
Les obligations de l’employeur s’agissant de la prise en charge des coûts de l’expertise ont été légèrement réduites par l’effet du développement du cofinancement par le CSE.
Antérieurement à la réforme, les honoraires de l’expert étaient intégralement à la charge de l’employeur sauf concernant l’expertise en vue de la consultation sur les orientations stratégiques dont le financement était assuré à hauteur de 20% par le CE.
Les honoraires de l’expert sont dorénavant pris en charge à hauteur respectivement de 20% par le CSE, sur son budget de fonctionnement, et de 80% par l’employeur pour :
– l’expertise décidée dans le cadre de la consultation récurrente sur les orientations stratégiques de l’entreprise ;
– et pour les expertises légales ponctuelles relatives aux opérations de concentration, à l’exercice du droit d’alerte économique, aux offres publiques d’acquisition ou à l’assistance des organisations syndicales pour préparer la négociation des accords sur l’emploi susmentionnés.
Demeurent donc à la charge exclusive de l’employeur les coûts afférents aux expertises portant sur:
– les consultations récurrentes sur la situation économique et financière et sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi ;
– les projets de grands licenciements collectifs pour motif économique (PSE) et en cas de risque grave constaté dans un établissement.
Notons une particularité concernant l’expertise relative à la négociation sur l’égalité professionnelle puisque celle-ci est intégralement à la charge de l’employeur en cas d’absence de tout indicateur relatif à l’égalité professionnelle accessible dans la base de données économique et sociale. Dans le cas contraire, les règles du cofinancement par le CSE sont applicables.
La loi de ratification des ordonnances prévoit en outre que l’employeur supporte également l’intégralité des coûts d’expertise, dans les cas où le cofinancement est pourtant la règle, lorsque le budget de fonctionnement du comité est insuffisant pour couvrir la part qui lui incombe. Cette prise en charge intégrale ne s’impose toutefois à l’employeur qu’en l’absence de transfert d’excédent annuel du budget du fonctionnement du CSE vers son budget des activités sociales et culturelles au cours des trois années précédant l’expertise. Par ailleurs, dans l’hypothèse d’une telle prise en charge, le CSE ne pourra pas décider d’affecter d’éventuels excédents du budget de fonctionnement au financement de ses activités sociales et culturelles pendant les trois années suivantes.
Le coût de l’expertise libre reste à la charge exclusive du CSE.
Sur les modalités de l’expertise
L’ordonnance du 22 septembre 2017 précitée prévoyait qu’à compter de la désignation de l’expert, les membres du CSE devraient établir un cahier des charges. Depuis l’ordonnance « balai » du 20 décembre 2017, il ne s’agit plus que d’une simple faculté. Lorsqu’il est établi, ce cahier des charges est notifié à l’employeur par le CSE. En toute hypothèse, l’expert doit notifier à l’employeur le coût prévisionnel, l’étendue et la durée d’expertise dans un délai de 10 jours à compter de sa désignation.
L’expert du CSE peut demander à l’employeur, au plus tard dans les trois jours de sa désignation, toutes les informations complémentaires qu’il juge nécessaires à la réalisation de sa mission, l’employeur devant répondre à cette demande dans les cinq jours.
Les délais maximaux dans lesquels les experts du CSE doivent remettre leur rapport sont fixés réglementairement pour chaque catégorie d’expertise. Par exemple, l’expert doit remettre son rapport au plus tard 15 jours avant l’expiration des délais de consultation du CSE pour les expertises sollicitées dans le cadre d’une telle consultation. En dehors de ce cas et de l’expertise relative aux opérations de concentration (pour laquelle un délai spécifique est fixé), l’expert doit remettre son rapport dans un délai de deux mois à compter de sa désignation. Ces délais ne sont néanmoins applicables qu’en l’absence d’accord d’entreprise ou d’accord conclu entre l’employeur et la majorité des élus titulaires du CSE.
Les nouvelles modalités de la contestation de l’expertise
Les règles applicables à la contestation des expertises ont été uniformisées pour l’ensemble des expertises pouvant être sollicitées par le CSE, à l’exception de celle prévue en cas de projet de licenciement collectif pour motif économique d’au moins dix salariés (dans cette hypothèse, il revient à l’administration du travail de trancher).
Ainsi, en dehors de cette exception, l’employeur qui entend contester la nécessité de l’expertise, le choix de l’expert, le coût prévisionnel, l’étendue ou la durée de l’expertise, ou son coût final, doit saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés dans un délai de dix jours. Ce délai très court implique une forte réactivité des employeurs.
Le point de départ du délai varie selon l’objet de la contestation de l’employeur. Ainsi, par exemple, si l’employeur entend contester la nécessité de l’expertise, le délai de dix jours commencera à courir à compter de la délibération du CSE décidant de recourir à l’expertise. Si l’employeur entend contester le coût prévisionnel de l’expertise ou la durée de l’expertise, le point de départ du délai est la notification à l’employeur par le CSE du cahier des charges ou la notification de ces éléments à l’employeur par l’expert.
Le juge doit statuer en premier et dernier ressort dans les dix jours suivant sa saisine, délai qui pourrait s’avérer en pratique particulièrement complexe à respecter par les juridictions. La saisine du tribunal a pour effet de suspendre l’exécution de l’expertise ainsi que les délais dans lesquels le comité est consulté, jusqu’à la notification du jugement. La seule voie de recours ouverte contre le jugement est celle du pourvoi en cassation.
Conséquence directe de la décision Foot Locker du Conseil constitutionnel du 27 novembre 2015, en cas d’annulation définitive par le juge de la délibération du CSE sur l’expertise, les sommes déjà perçues par l’expert doivent être remboursées à l’employeur. Mais les nouveaux textes précisent que le CSE peut décider de les prendre à sa charge.